Commission réseau du 14 mai : Le lien social avec les personnes âgées à l’heure de l’étape 1 du déconfinement

19 mai 2020

Commission réseau du 14 mai : Le lien social avec les personnes âgées à l’heure de l’étape 1 du déconfinement

A l'annonce du confinement, les missions des équipes citoyennes se sont rapidement adaptées et il a fallu trouver des solutions pour maintenir le lien. Plusieurs initiatives ont fleuri partout en France, avec chacune leur originalité : cartes et courriers ont été envoyés, accompagnés parfois de numéros utiles et de dessins d'enfants, les appels téléphoniques et visio-conférences se sont massivement organisés, suivis par les cours d'apprentissage du numérique et par l'équipement d'EHPAD en tablettes. La question des besoins vitaux a aussi soulevé un élan de générosité citoyenne permettant aux personnes âgées de recevoir leurs courses à domicile et ainsi limiter les risques. Un constat a finalement été fait : pour un grand nombre de nos aînés, le confinement existait bien avant le 17 mars. Les personnes isolées font pour la plupart face à la monotonie au quotidien mais la crise constitue bien sûr un facteur aggravant.

A l’heure du début du déconfinement, la commission réseau Monalisa du 14 mai a été riche en échanges avec le témoignage de deux associations : les sorties du Cœur (01) et ADAO (30) qui ont continué à garder le contact avec les personnes en EHPAD pendant tout le confinement. S’en est suivi un partage d’initiatives pour rejoindre les personnes en EHPAD ou à domicile.

Anne-Marie Oyselet pour l'association les Sorties du Cœur 01

Qu’est-ce qu’il s’est passé pour votre association pendant le confinement ?

"L'association les Sorties du coeur 01 lutte contre la solitude, l'isolement et la monotonie des journées depuis 10 ans, que ce soit dans les EHPAD ou à domicile. L'action est menée en lien avec une vingtaine d'établissements et a pour volonté de permettre aux résidents de sortir chaque semaine. Nous organisons pour cela, avec une trentaine de bénévoles, 50 sorties et 5 séjours de 3 jours par an. De plus, pour fêter les 10 ans de notre association, nous organisions depuis un an un grand concert, "Les Madeleines on the Rock", qui devait rassembler 80 personnes âgées de 7 EPHAD. Il s'est vu annulé, comme le reste de nos actions : l'annonce du confinement a été dramatique.

Notre réaction a donc été de garder le lien via skype, ce qui a été possible pour 5 établissements, avec l’aide des animateurs sur place qui repèrent ceux qui sont plus en demande de liens. Durant ces appels vidéo, nous continuons les répétitions, ce qui nous permet de garder un contact avec les personnes que nous côtoyions mais aussi d'apporter un soutien moral à celles qui en ont le plus besoin. Cela permet de rigoler bien sûr, mais aussi de se confier ses peines…

En parallèle, nous avons réalisé plus de 200 cartes postales en utilisant des photos sur lesquelles elles étaient présentes et, le temps du déconfinement étant venu, nous avons proposé aux EHPAD de les aider à organiser les visites des familles. Nous souhaitons soulager le personnel des EHPAD en prenant en charge le respect des gestes barrières et la désinfection de l'espace à chaque visite. Pour finir, nous reprenons contact avec les personnes à domicile, avec une action que nous avions lancé, "le rendez-vous des copains", qui a pour but de rassembler les séniors isolés de villages voisins, dans un bistrot ou un espace extérieur par exemple.

Est-ce que vous avez une envie pour la suite, ou un coup de gueule à partager ?

L'action que nous menons me semble importante et la question de l’enfermement me touche particulièrement. Je suis aussi en lien avec des personnes détenues dans une maison d’arrêt et je fais souvent le parallèle entre les prisonniers et les séniors en EHPAD. Il leur arrive, aux résidents, de me dire qu'ils sont dans "une prison dorée". Pour eux, sortir est un manque mais en parler n'est pas chose facile. Ils se voient comme des fardeaux pour la société et leurs enfants, ils n'osent en général pas se plaindre. Une sortie de temps en temps peu changer beaucoup : j'ai un jour réussi à faire sortir une dame qui était en EHPAD et qui avait décidé de ne plus parler. Je l'ai emmené au marché et elle a recommencé à parler, à moi et aux marchands ; c'était la première fois que j'entendais sa voix."

 

Corinne Costa pour l’association ADAO (Association des Aidants d'Occitanie)

 

Qu’est-ce qu’il s’est passé pour votre association pendant le confinement ?        

"ADAO est une association pour les aidants familiaux. Son objectif est de soutenir, faciliter et accompagner le parcours de ceux-ci. La culpabilité est forte chez les aidants car ils n'ont souvent pas le choix de mettre leur parent ou leur conjoint en EHPAD, c'est douloureux. Nous intervenons dans les établissements avec notre petite chorale, "Y'a de la joie", pour que résidents et aidants chantent ensemble. Nous recevons beaucoup de témoignages positifs tels que "je ne me rappelais plus que ma femme chantait si bien". Cet atelier existe depuis octobre deux fois par mois et les familles nous rejoignent de plus en plus.

Avec le confinement, Il a fallu s’adapter car c’était très frustrant d’être coupés dans notre lancée. Nous avons utilisé les appels vidéo mais chanter par skype, c'est compliqué. Nous avons également eu la possibilité avec 2 EHPAD d'organiser nos activités à l'extérieur : les résidents sortaient sur leurs balcons ou la terrasse pour pouvoir chanter avec nous. Le personnel était très impliqué, certains ont même réalisé une chorégraphie. Nous avons pu également voir un grand investissement des résidents et des familles qui s'est traduit par la création d'une chanson sur leur propre établissement. En plus de faire chanter les résidents tous les 15 jours, j'ai eu l'occasion de les prendre en photo depuis leur fenêtre ou balcon pour les envoyer aux familles et les rassurer.

Est-ce que vous avez une envie pour la suite, ou un coup de gueule à partager ?

Durant cette crise, nous avons pu constater une grande créativité et une solidarité quasiment spontanée. Il y a eu un élan de solidarité qui apparaît comme logique et normal. Je fais référence à la mobilisation de toutes les équipes citoyennes du Gard mais on peut également parler de l'initiative de l'I2ML, institut méditerranéen des métiers de la longévité, qui vient de lancer l’idée d’un festival itinérant de musique, théâtre, conférence avec les artistes qui ont vu leurs shows annulés. Nommé "ehpadons nous", il doit se rendre dans les cours et jardins des EHPAD et résidences de Nîmes. Au vu de toutes ces initiatives, j'aimerais par la suite que le regard change : trop souvent, les EHPAD sont vus comme un lieu de fin de vie alors qu'il peut s'y passer des choses fabuleuses."

 

Partage d’initiatives pour maintenir le lien en EHPAD ou à domicile

A l'instar de ces deux témoignages et dans le but de pallier l'ennui, de nombreuses autres initiatives ont émergé. La commission réseau du 14 mai a permis à tous les participants d'échanger en quelques mots à ce sujet et ainsi de partager leurs idées. Par exemple, l'association Géner'Actions a réadapté une de ses actions qui consistait à faire voyager les personnes âgées au travers de diaporamas. Dorénavant, un lien est gardé par le biais de la boîte mails de l’EHPAD et les photos envoyées sont ensuite imprimées et affichées dans l’EHPAD. Les moments de musique, de sport, d'activités ont aussi rapidement remplacé les simples visioconférences. C'est notamment le cas pour les cours de gym et ateliers mémoire à l'EHPAD Notre-Dame de Plestin : l'animatrice est seule devant la caméra et les résidents restent dans leur chambre. Les outils spécifiques à certaines équipes se sont à leur tour transformés, le livret contenant les informations sur les dates et activités à venir est devenu un petit journal de distraction contenant jeux, culture, et photos souvenirs. Appui et vous a d'ailleurs lancé des news contenant des vidéos de gym, de chant et musique, de jeux, de tutoriels et d'informations (http://appuietvous.org/lettres/).

A l'heure du déconfinement, la question est maintenant orientée sur un retour du virtuel au réel. Beaucoup d'équipes réfléchissent à la relance des visites à domicile ou à des visites en bas de porte. L'équipe d'Entourâge dans la Marne reprendra les cafés bavard'âge en juin, en espace extérieur, avec les "gestes protecteurs" et en nombre limité et l'association binôme 21 prévoit quant à elle un retour aux rencontres physiques courant mai. Le cas des EHPAD est particulier mais les résidents ne sont pas oubliés : des ateliers ludiques peuvent être mis en place dans les établissements disposant d'un jardin, les repas jusqu'alors pris seuls vont bientôt pouvoir être de nouveau partagés et des initiatives originales émergent comme les sorties en triporteurs organisées par le Relais Amical de Pont St Esprit en partenariat avec l'association A vélo sans âge. Finalement, une initiative alliant l'utile à l'agréable nous a été rapportée de Vendée : la remise des masques de la ville aux personnes très isolées se fait via un musicien et une chanteuse (15/20 minutes de musique et chant sur le pas de la porte).

Comme l’ont fait remarquer certains participants de la commission réseau, un effet intéressant de ce confinement aura été de resserrer les liens et la collaboration entre professionnels et associations.