L’isolement social dont souffrent aujourd’hui 7 millions de Français majore toutes les autres pauvretés, dégrade la santé et creuse les inégalités. Dans son dernier rapport, la Fondation Abbé Pierre met en évidence comment l’isolement augmente les risques du mal logement et le non-recours au droit. Cette situation qui frappe les plus vulnérables renforce la méfiance envers les institutions et a un impact sur la cohésion sociale.
L’isolement social, qui consiste à ne pouvoir compter que sur très peu de relations, concerne davantage les plus pauvres (les personnes percevant moins de 1200 euros par mois représentent 26% de la population et 34% des isolés) et les plus vulnérables (atteints de maladie, vivant avec un handicap, en situation de perte d’autonomie). Les jeunes, les migrants, les célibataires, les parents seuls avec enfant et les veufs sont également en première ligne.
On vit d’autre part, de plus en plus seul dans notre pays : 35% des ménages français sont composés d’une seule personne en 2013 (contre 20% en 1962) et cela contribue à créer une distorsion entre le besoin et l’offre de logements abordables.
Pour les personnes souffrant d’isolement social, l’effort financier consenti pour se loger est plus important et une dépense imprévue augmente fortement le risque de perdre son logement alors qu’elles sont déjà dans une situation de fragilité : beaucoup d’entre elles ne peuvent s’appuyer sur la solidarité des proches pour un hébergement temporaire ou un soutien financier. De plus, ces personnes, en rupture de liens et moins informées, ont moins recours à leurs droits. Ce phénomène est renforcé par le fait que, dépourvues de ressources, elles éprouvent un fort ressentiment vis-à-vis des institutions.
Si l’isolement favorise le mal logement l’inverse est aussi vrai. En effet, changer de logement peut éloigner de son réseau habituel ou séparer des familles. La nature ou la situation du logement peut dissuader les personnes de recevoir chez elles et accroître ainsi leur solitude. Ces personnes isolées « souffrent d’une perte de capacité à entreprendre et à réaliser les actes de la vie quotidienne, voire d’une incurie dans le logement et souvent d’une rupture des liens familiaux et sociaux. »
Le rapport met en évidence comment cette faible prise en compte de l’isolement et de son impact « se retrouve dans les réponses apportées aux personnes en difficultés de logement ». Les solutions proposées, avec de nombreuses « injonctions à la mobilité » peuvent renforcer l’isolement et créer des difficultés dans l’accès à l’emploi, aux services et à la vie culturelle et sociale. « La mise à l’abri prime sur le lien de sociabilité. » Le cloisonnement des dispositifs fragmente les réponses et conduit à désunir les couples et les familles renforçant leur isolement et leur vulnérabilité sociale et économique.
Cette enquête détaillée montre l’impérieuse nécessité d’intégrer la prévention et la réduction de l’isolement social dans les politiques publiques afin d’éviter que « l’absence de liens empêche de sortir de la spirale de l’exclusion » Il s’agit bien, selon le rapport, de « faire entrer en politique les personnes seules » qui « semblent aujourd’hui des priorités de second rang ». Lutter contre la pauvreté en relation est indispensable pour restaurer la cohésion sociale.
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