08 juin 2020

Le déconfinement des personnes âgées, quelles perspectives territoriales ?

L'isolement social des séniors est une réalité mise sur le devant de la scène par la crise sanitaire, celle-ci ayant privé nos ainés de leurs liens avec l'extérieur, déjà faibles pour beaucoup. Après le rapport paru en avril de Jérôme Guedj, chargé d’une mission sur l’isolement des personnes âgées confinées, une étude du Gérontopôle des Pays de la Loire (« Le déconfinement des personnes âgées, quelles perspectives territoriales ? »), éclaire sur l'inégale répartition de celui-ci sur le territoire français.

Docteur en géographie et enseignant chercheur ayant travaillé sur le vieillissement, Mickaël Blanchet a présenté au cours de la commission réseau du 4 juin cette étude, menée en collaboration avec Niels Knapp-Ziller, géographe et chargé de mission action territoriale, et Elisabeth Artaud, chargée de mission formation et action territoriale du Gérontopôle des Pays de la Loire.

Cédric SZABO, lui-aussi géographe, directeur de l’association des Maires Ruraux de France, a pu réagir à cette  étude au cours de cette même commission.

Mickaël Blanchet : "des outils cartographiques pour les politiques publiques"

Notre étude, « Le déconfinement des personnes âgées, quelles perspectives territoriales ? », s'appuie sur celle réalisée en 2016 par les Petits Frères des Pauvres liant les notions d'isolement et de territoires. L'idée était de partir des 1254 intercommunalités recensées au premier janvier 2019 et de réaliser une cartographie territoriale des zones en situation de fragilité du point de vue de l’isolement social dans lesquelles trop peu de réponses sont apportées.

Carte 1 : prédispositions à l’isolement social

Différentes variables, sociales et territoriales, ont premièrement été identifiées. On y retrouve le fait de vivre seul, l'âge, l'éloignement familial, la densité de services proposés ou encore la couverture numérique du territoire, notre étude étant basée sur des données déjà existantes comme sur le site de l'ARCEP, l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes. Ces données nous ont permis d'établir une carte -ci-dessous- identifiant les prédispositions des territoires aux situations d'isolement des seniors à domicile, la question des établissements n'a ici pas pu être appréhendée. Le premier constat que nous avons fait est celui des inégalités entre les milieux ruraux, urbains et périurbains. La situation la plus favorable est en milieu périurbain, de par une proximité de la famille en moyenne plus forte et une bonne densité de services contrairement au milieu rural moins bien desservi et plus touché par l'isolement. La situation est également critique en milieu urbain où la proportion de personnes de plus de 65 ans vivant seules est supérieure à la moyenne française. Finalement, on remarque que quelques zones sont en situation critique : c'est le cas des littoraux. Dans certaines intercommunalités, le quart des retraités est installé depuis moins de 5 ans, ce qui est un facteur de prédisposition ; l'étude des Petits Frères des Pauvres a, en effet, montré que l'antériorité dans la résidence principale depuis longtemps protège de l'isolement par les liens créés avec les commerces de proximité, le voisinage ou les anciens collègues.

Carte 2 : démarches structurées de réponse à l’isolement

Dans un second temps, nous avons tenté de recenser les solutions apportées par les coopérations, équipes citoyennes et tous les acteurs menant des actions de lutte pour pallier ces situations d'isolement. Le recensement n'est pas exhaustif, mais nous avons repéré les démarches les plus visibles. Cela correspond à la carte n°2 -ci-dessous-. Nous constatons qu'il y a une couverture inégale du territoire, celle-ci étant nettement plus forte au niveau des agglomérations et des métropoles.

 

Carte 3 : le recensement des "zones blanches"

La troisième carte est finalement une superposition des deux premières cartes : nous avons pu déterminer les intercommunalités dont le facteur d'isolement est assez élevé (supérieur à 6) et dans lesquelles nous n'avons pas recensé de démarches principales.

 

Ces cartes sont un premier outil de suivi des politiques publiques. Elles sont des jalons qui mériteraient non seulement d'être reproduites dans deux ou trois ans afin de constater, nous l'espérons, une évolution, mais également approfondies à plus petite échelle. Ainsi, on pourrait identifier plus précisément les inégalités, les contraintes et les actions de lutte menées. Cette étude peut toutefois prendre le rôle de boussole afin de montrer que l'isolement n'est pas réparti de façon homogène et qu'il a un lien avec l'environnement qu'il faut prendre en compte dans l'apport de solutions.

Cédrix Szabo : "la question est celle d'initiatives et du pouvoir d'agir des collectivités locales, et aussi de moyens"

D'autres critères devraient être ajoutés à l’étude : certains, comme les services publics, consolideraient la constatation faite dans l'étude, à savoir que la situation est plus compliquée dans les milieux ruraux. En cas de crise comme celle que nous venons de vivre, la Poste, a par exemple a préféré sacrifier les bureaux de postes ruraux pour permettre à ceux des villes de rester ouverts. Beaucoup de choses pourraient être cartographiées et pourraient changer la situation de territoires présentés ici comme critiques : c'est le cas des micro-initiatives qui ont un grand rôle dans les communes.

La question est celle d'initiatives et du pouvoir agir des collectivités locales, et aussi de moyens. Les logisticiens ont tendance à voir la ruralité comme le dernier kilomètre qui leur coûte le plus cher, mais le considérer comme cela, c'est aussi ce qui nous coûte le plus cher socialement. Nous essayons, au contraire, de voir ce qui se passe dès le premier kilomètre autour du domicile de la personne, c'est-à-dire ce dont à quoi elle a accès et quels sont les services proposés. Il faut changer